Rappel des obligations déclaratives
Dans un contexte marqué par la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et l’opacité des structures sociétaires, la déclaration des bénéficiaires effectifs est devenue une obligation légale impérative pour les sociétés immatriculées au Registre du Commerce et des Sociétés (ci-après désigné « RCS »). Prévue par l’article L. 561-2-2 du Code Monétaire et Financier (ci-après désigné « CMF »), cette obligation vise à identifier les personnes physiques qui détiennent directement ou indirectement plus de 25% du capital ou des droits de vote d’une société.
L’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016 impose que toutes les personnes morales immatriculées au RCS doivent transmettre au greffe les informations relatives à leurs bénéficiaires effectifs. Cette obligation vise à identifier les détenteurs de pouvoir et à lutter contre les montages opaques ou frauduleux. L’entreprise doit déclarer ce bénéficiaire pour que les autorités puissent remonter jusqu’à la personne physique finale. Pour mémoire, cette déclaration doit être réalisée au moment de l’immatriculation de la société, et actualisée dans les 30 jours suivant toute modification (article R. 561-55 du Code de commerce).
Dispositif initial de sanctions
Le non-respect de cette obligation exposait les sociétés à deux types de sanctions :
- Une injonction du Président du Tribunal, qui pouvait être accompagnée d’une astreinte financière en cas d’absence ou d’inexactitude de la déclaration (article L. 561-48 du CMF) ;
- Des sanctions pénales, à savoir notamment amendes, exclusion des marchés publics, voire dissolution judicaire de la société (article L.574-5 du CMF).
Avant le 15 juin 2025, le greffier « invitait » la société à régulariser dans le mois, en cas de divergence d’informations signalée au greffier. A défaut de régularisation, le greffier saisissait alors le Président du Tribunal qui pouvait ensuite enjoindre la société de s’exécuter.
Risque de radiation : un dispositif de sanctions renforcé depuis le 15 juin 2025
Depuis le 15 juin 2025, une société qui ne respecte pas son obligation de déclaration ou de mise à jour de ses bénéficiaires effectifs s’expose à une sanction additionnelle, à savoir la radiation d’office du RCS.
Dans une telle situation, le greffier :
➤ met en demeure la société de régulariser son dossier par le biais du guichet unique sous un délai de 3 mois, en cas de divergence d’informations. En l’absence de régularisation, le greffier procède à sa radiation du RCS et en avise le ministère public ainsi que l’Institut National de la Propriété Industrielle (« INPI ») (article L. 561-47-1 du CMF, modifié par la loi 2025-532 du 13 juin 2025) ;
➤ peut prononcer la radiation du RCS d’une société, en cas d’absence de déclaration ou d’actualisation des informations concernant les bénéficiaires effectifs ou de déclarations inexactes ou incomplètes :
- lorsqu’il relève lui-même une telle situation, à l’issue d’un délai de 3 mois et en l’absence de régularisation (article L. 561-47 alinéa 3 issu de la loi 2025-532) ;
- à la suite d’une injonction délivrée par le Président du Tribunal, sous astreinte ou non. La radiation peut alors être prononcée dans les 3 mois suivants la notification de la décision d’injonction (article L. 561-48 du CMF modifié par la loi 2025-532).
Pour mémoire, la radiation d’office est une mesure administrative qui n’a pas pour effet d’éteindre la personnalité morale de la société (Arrêt n°98-16842 du 20/02/2001 de la Cour de cassation). Toutefois, une société radiée ne peut plus réaliser d’actes juridiques valables nécessitant une immatriculation comme les contrats commerciaux, l’obtention de financement ou les embauches. La société pourra alors contester la radiation d’office prononcée à la suite d’inexactitudes constatées par le greffier en demandant un « rapport de radiation », selon des modalités et des conditions prévues par décret (article L. 561-47 du CMF).
Risque de radiation : un dispositif de sanctions renforcé depuis le 15 juin 2025
En tant que commissaires aux comptes et dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, nous sommes tenus d’identifier les bénéficiaires effectifs de nos clients.
Ainsi, lorsqu’en qualité de commissaires aux comptes, nous constatons une divergence entre les informations dont nous disposons et celles que les sociétés doivent déclarer concernant leurs bénéficiaires effectifs, nous sommes tenus de le signaler au greffe du Tribunal de commerce (article L. 561-47-1 du CMF). La pose d’une surveillance sur nos clients via certains sites, tels qu’Infogreffe ou Pappers par exemple, permet de remplir ce devoir de vigilance, qui est nécessaire et continu.