Par un arrêt du 9 juillet 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation précise que l’action en nullité d’une décision sociale fondée sur un abus de majorité peut être intentée contre la seule société, dès lors qu’aucune demande indemnitaire n’est dirigée contre les associés majoritaires.
En l’espèce, des associés minoritaires d’un groupement forestier rural sollicitaient l’annulation de plusieurs délibérations d’assemblée générale, qu’ils estimaient contraires à l’intérêt social et adoptées dans l’unique but de favoriser les majoritaires. L’action était dirigée uniquement contre la société. La cour d’appel avait déclaré cette action irrecevable, estimant que l’abus de majorité, reposant sur les intentions des associés majoritaires, supposait leur mise en cause directe. La Cour de cassation censure cette analyse. Elle juge que, dès lors que l’action vise uniquement la nullité des résolutions sociales et non l’obtention de dommages-intérêts, la société peut être assignée seule. La présence des associés majoritaires à la procédure n’est alors pas requise.
La solution s’inscrit dans la jurisprudence constante définissant l’abus de majorité comme une décision adoptée en violation de l’intérêt social, dans le but de favoriser les associés majoritaires au détriment des autres. Dans une telle hypothèse, l’associé lésé peut agir soit en responsabilité contre les majoritaires, soit en nullité de la délibération litigieuse. Lorsque la demande porte uniquement sur la nullité de la décision, la société est tenue pour seule défenderesse.
La Cour de cassation fonde sa décision sur l’article 32 du Code de procédure civile, relatif à la qualité pour agir, et sur l’article 1844-10 du Code civil, relatif aux causes de nullité des décisions prises en assemblée dans les sociétés. Ce fondement textuel est notable, la jurisprudence ne s’y référait pas systématiquement jusqu’à présent dans le cadre des actions fondées sur l’abus de majorité. Aux termes de l’article 1844-10, la nullité des actes ou décisions ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative ou de l’une des causes de nullité des contrats en général. Cette lecture permet de rattacher l’abus de majorité à une cause de nullité contractuelle, ce que certains auteurs confirment.
La solution rendue concerne un groupement forestier, régi par les dispositions du Code rural, mais elle est transposable à l’ensemble des sociétés, civiles ou commerciales. Par ailleurs, il convient de rappeler que dans l’hypothèse où l’associé minoritaire cumule une demande en nullité et une demande de dommages-intérêts, l’action devra alors être dirigée à la fois contre la société et les associés majoritaires auteurs de la faute.
L'essentiel en synthèse :
- Une action en nullité fondée sur un abus de majorité peut être dirigée exclusivement contre la société, à condition qu’aucune demande de dommages-intérêts ne soit formulée à l’encontre des majoritaires.
- La mise en cause des associés majoritairesn’est exigée que lorsque ceux-ci sont personnellement poursuivis en responsabilité.
- La solution est transposable à toutes les formes sociales, qu’elles soient civiles ou commerciales.
- En cas de demande cumulée de nullité et de réparation, la société et les associés majoritaires doivent être conjointement assignés.