Un état des lieux du dispositif applicable aux commissaires aux comptes
Le 3 décembre 2025, la Haute Autorité de l’Audit (H2A) a publié son rapport annuel 2024 sur le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) applicable aux commissaires aux comptes en vertu des articles L561-36 et R.561-41-1 du code monétaire et financier (CMF). Il s’agit du premier rapport publié depuis que la H2A a succédé au Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C).
Un champ d’intervention large :
Respectant le plan des précédents rapports sur le sujet, la H2A présente les contrôles auxquels elle procède, en sa qualité d’autorité de régulation, les obligations auxquelles sont soumis les commissaires aux comptes et enfin ses conclusions à la suite des contrôles d’activité.
En matière de LCB-FT, elle dispose d’un pouvoir de contrôle, d’enquête et de sanction, qu’elle exerce tant sur les personnes physiques que sur les personnes morales.
En effet, les commissaires aux comptes étant personnes assujetties aux obligations relatives à la LCB-FT en application des articles L821-10 du code de commerce (C. Com.) et L.561-2 (12° bis) du CMF, ils sont soumis à différentes exigences notamment en vertu de la norme d’exercice professionnel (NEP) 9605.
Les piliers du dispositif LCB-FT
Le cadre applicable s’articule autour de plusieurs exigences clés :
- Organisation et procédures internes : existence d’une cartographie des risques, d’une classification, de procédures de vigilance et de conservation, et désignation d’un responsable LCB-FT et d’un correspondant TRACFIN ;
- Vigilance à l’égard des clients : à l’acceptation de la mission, au cours de la relation, y compris en cas de prestation ponctuelle ou dans les contextes sensibles ;
- Détection des anomalies et obligation de déclaration à TRACFIN ;
- Formation du professionnel et de ses collaborateurs à la réglementation, aux méthodes d’évaluation des risques, à l’analyse des faits conduisant au soupçon.
Les lignes directrices H3C‑TRACFIN du 13 juillet 2021 complètent utilement ce corpus, en fournissant aux professionnels des exemples de situations à risque et des repères pour documenter et justifier leurs décisions.
Une campagne de contrôle 2024 très structurée
Les contrôles réalisés en 2024 s’inscrivent dans une approche par les risques, avec une attention particulière portée aux secteurs et typologies d’entités exposés, tels que définis dans l’analyse sectorielle des risques précédemment publiée par le H3C.
Le rapport distingue les résultats des contrôles selon que les cabinets détiennent ou non un mandat d’entité d’intérêt public (EIP).
La H2A a ainsi mené :
- 53 contrôles de cabinets EIP dont (26 contrôles ayant compris un volet LCB-FT);
- 642 contrôles de cabinets non EIP, incluant systématiquement un volet LCB‑FT.
Les modalités de contrôle sont variées : contrôles de procédures, contrôles de mandats, contrôles ciblés (« spot »), ou entretiens avec les signataires. L’objectif est de s’assurer que le commissaire aux comptes maîtrise le niveau de risque propre à chaque mandat et adapte en conséquence ses diligences et son plan de mission.
Des constats contrastés
Dans les cabinets EIP :
- 13 contrôles sont jugés conformes,
- 1 partiellement conforme,
- et 12 non-conformes, soit près de 23 % de défaillances totales.
Les principales insuffisances relèvent d’un défaut de mise en œuvre de l’approche par les risques (7 cas) et de l’absence de formation LCB‑FT (4 cas). Des manquements sont également constatés dans la désignation du correspondant TRACFIN ou dans la vigilance à l’égard du bénéficiaire effectif
Dans les cabinets non EIP :
Parmi les 642 contrôles finalisés :
- 470 cabinets sont conformes (soit 73 %),
- 169 partiellement conformes,
- et 3 non-conformes.
Les défaillances les plus fréquentes concernent une cartographie des risques insuffisante, des procédures incomplètes, ou une absence de documentation sur la vigilance client. Le rapport relève notamment 49 cas de manquement à l’approche par les risques et 3 cas de carences en formation
Le rapport souligne que dans certains cas, l’évaluation des risques n’était pas cohérente avec les caractéristiques des mandats contrôlés, notamment en lien avec des clients opérant dans des pays à risque élevé selon le GAFI ou l’Union européenne.
Suites des contrôles et sanctions disciplinaires
Les suites données par la H2A aux contrôles peuvent aller :
- de la lettre de recommandations, en cas de manquements techniques ou organisationnels ;
- à la saisine du rapporteur général, lorsque des faits plus graves ou répétés sont constatés ;
- jusqu’à une sanction disciplinaire, y compris radiation.
En 2024, une décision de radiation accompagnée d’une sanction pécuniaire a été prononcée à l’encontre d’un commissaire aux comptes pour non-respect de ses obligations LCB‑FT. Le rapport insiste sur le fait que les sanctions peuvent concerner aussi bien les signataires que les personnes dirigeant les structures d’exercice professionnel, en cas de carence manifeste
Par ailleurs, la H2A a transmis cinq déclarations de soupçon à TRACFIN, dont une seule portait sur plus de 380 opérations. Les commissaires aux comptes eux-mêmes ont émis 141 déclarations en 2024, contre 127 l’année précédente. Ce chiffre témoigne d’une meilleure appropriation du dispositif, mais souligne aussi l’importance de poursuivre les efforts de formation et de sensibilisation.
Une obligation de formation à ne pas négliger.
Tous les experts-comptables ont l’obligation de suivre une formation LCB-FT avant le 31 décembre 2025 Cette formation est homologuée CAC120 et compte donc dans vos heures d’obligation de formation.
Cette formation :
- répond à une exigence professionnelle et réglementaire ;
- vise à actualiser les connaissances sur les obligations, les typologies de risques, les pratiques de vigilance et les modalités de déclaration à TRACFIN ;
- permet une meilleure sécurisation des pratiques face aux risques de non-conformité ou de responsabilité ;